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  • Photo du rédacteurAgathe Delepaut

Épidémiologiste recherche chevaucheur de griffon

Dernière mise à jour : 12 mai 2021



Nous sommes le 13 Septembre 2005. Une maladie ravage la population. Humains et animaux de compagnie : personne n’est épargné. Il ne s’agit pas du SRAS, une épidémie à coronavirus apparue en 2005, mais d’une pandémie dans un jeu vidéo : « l’incident du sang vicié ». Dans le jeu en ligne World of Warcraft, un bug dans une nouvelle région déclenche la transmission incontrôlée d’un maléfice à travers le monde fantastique. Une semaine entière s’écoule avant sa résolution et dans ce temps, les joueurs font face à un réel cas d’épidémie. La maladie provient d’un lieu reculé. Les animaux de compagnie, asymptomatiques, le transmettent aux autres joueurs (ce qu’on appelle zoonose). Les joueurs de plus faible niveau succombent rapidement, comme les enfants, personnes âgées et immunodéprimées dans la vie réelle. Elle touche plusieurs continents : à la fois dans le monde virtuel et ceux des joueurs dans le monde réel. C’est une pandémie à deux échelles.

Un modèle d’étude pertinent mais imparfait

Seule pandémie virtuelle à large échelle non planifiée, ses conséquences ne pouvaient pas être anticipées ce qui en a fait un environnement d’étude adéquat. Des épidémiologistes ont analysé cet évènement a posteriori. Ils ont estimé le taux d’infection dans les villes à 100 cas par heure. Mais surtout, coeur des études, ils ont relevé de nombreuses similitudes avec de réelles épidémies. De nombreux joueurs quittaient les villes. D’autres, au rôle de soigneur, se précipitaient dans les zones ravagées pour porter leur aide. L’étude de The Lancet sur ce comportement altruiste révèle que, bien qu’ayant pu réduire drastiquement la mortalité de la maladie, il aurait aussi pu causer des dégâts. Par exemple en maintenant les joueurs en vie, ceux-ci auraient pu diffuser plus longtemps la maladie. Les soigneurs eux-mêmes auraient pu l’étendre en passant d’une région à une autre. Les épidémiologistes ne sont pas en mesure de savoir comment cela a influé sur la pandémie virtuelle. En effet, le bug n’avait pas pour but d’étudier le comportement des joueurs. De fait, aucune donnée n’a été amassée durant la pandémie.

 Des comportements imprévisibles de joueurs ont aussi surpris. Certains répandaient délibérément la maladie. D’autres se téléportaient dans d’autres régions du monde virtuel, malgré les mesures de quarantaine imposées par Blizzard Entertainment, le studio du jeu. (Ran D. Balicer, 2007 ; Eric T. Lofgren, 2007). 

Ce sont ces actions qui rendent le modèle d’épidémie dans un jeu en ligne intéressant à analyser. Il n’est pas parfait, ni transposable entièrement à la vie réelle, notamment parce que la mort dans ce jeu n’est pas définitive et donc que la menace est moins forte. Cependant ce type de modèle, s’il est bien mis en place, pourrait s’avérer un outil d’analyse et d’anticipation profitable.


Finalement, comment les développeurs ont résolu le problème ? Après avoir cherché en vain une manière de soigner les joueurs et éradiquer la maladie… ils ont pris la décision d’effacer et relancer les serveurs du jeu, supprimant toute trace de l’incident. Un acte malheureusement impossible dans une réalité ou seuls les protocoles de recherche, le temps et le respect des mesures de protection permettront de venir à bout d’une pandémie.


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